Description du projet
Le 1er octobre dernier, à Rennes, s’est tenue une conférence dédiée aux artisans boulangers, axée sur la place centrale du dirigeant dans le développement de l’entreprise. La conférence a permis de mettre en avant des stratégies et des pratiques inspirantes pour mieux gérer son entreprise et trouver sa place en tant que dirigeant. Retour sur les temps forts de cet événement, avec la possibilité de visionner le replay en ligne pour découvrir l’intégralité des échanges.
Construire son Projet : Être Entouré et Bien Préparé
Yannis Buet, expert en Accompagnement à la Création, à la Transmission et à l’Extension (ACTE) en boulangerie Pâtisserie pour les moulins mentionnait « On ne se prépare pas de la même manière pour une simple balade en forêt ou un marathon ». En entreprise, la réussite repose également sur cette préparation minutieuse. L’une des premières étapes pour un dirigeant est de définir son projet en se posant les bonnes questions. Il ne s’agit pas seulement d’avoir une idée, mais de la structurer avec des experts qualifiés (comptables, avocats) pour établir un prévisionnel réaliste et aligné avec ses ambitions et contraintes. Le dirigeant doit savoir : Qui je suis ? Qu’est ce que je veux faire ? Quelles sont mes contraintes professionnelles et personnelles ? Qu’est-ce qui me motive vraiment ?
Pourquoi et Pour Quoi ? L’importance du Sens et de l’Alignement
Un point clé des discussions a été l’importance du « pourquoi » : pourquoi je suis dans ce métier, qu’est-ce qui m’anime ? et du « Pour quoi ? » : dans quel but ? L’entreprise n’est souvent pas uniquement un moyen d’investissement, mais plutôt une source d’épanouissement personnel, un vecteur permettant de concrétiser un rêve ou de nourrir une passion. Elle devient alors le prétexte à s’occuper pleinement dans une activité qui donne un sens profond à chaque journée de travail. Plutôt que de la voir comme un placement financier, l’artisan trouve dans son entreprise un espace où exprimer son talent, partager des valeurs, et construire un projet en accord avec sa nature profonde. Cette introspection est indispensable, car elle aide à rester en phase avec ses valeurs et son plaisir au quotidien. Certaines personnes prennent du plaisir dans la gestion, d’autres dans la transmission de savoir-faire, d’autres encore dans la production. Capitaliser sur ses forces et déléguer sur ses points faibles permet de bâtir une entreprise solide. De nombreux artisans, par exemple, restent perfectionnistes et ont du mal à lâcher prise. Or, déléguer avec confiance, tout en acceptant que les autres n’auront pas nécessairement les mêmes standards, est une étape essentielle pour évoluer.
La Gestion des Équipes : Valoriser, Encadrer et Impliquer
Franck Berthouloux, expert en management et développement des réseaux de franchises notamment et conseil en organisation a souligné l’évolution des attentes en matière de gestion d’équipes : il est de plus en plus important de donner un cadre tout en favorisant l’autonomie des salariés. Le dirigeant se doit de connaître les membres de son équipe, leurs compétences, leurs aspirations et même leurs inquiétudes. « On ne peut pas changer les gens, mais on peut changer le regard que l’on porte sur eux. » La relation managériale se base désormais sur la co-construction et l’interaction plutôt que sur un schéma purement directif.
Plusieurs adhérents se sont posés les questions suivantes : Comment encadrer et impliquer les collaborateurs tout en maintenant un niveau d’exigence adapté ? Comment faire monter en productivité un collaborateur sans prendre de risque ? ou encore Comment ajuster son niveau d’exigence pour être satisfait du résultat sans compromettre la qualité du travail ?
Pour instaurer un climat de responsabilisation, Fanck Berthouloux a rappelé le principe « qui rend compte se rend compte » est fondamental : en encourageant les collaborateurs à verbaliser les raisons d’éventuels écarts de performance (qu’il s’agisse de compétences insuffisantes ou d’une incompréhension des consignes), on peut identifier plus facilement les leviers d’amélioration. Cela passe par une gestion du personnel qui, sans basculer dans la « câlinothérapie », s’appuie sur des études montrant que le management contribue significativement à la performance de l’entreprise. Ainsi, il s’agit de créer un environnement propice à la performance, en consacrant régulièrement du temps aux interactions avec l’équipe.
Comme l’a rappelé Eugénie Girardeau à travers son expérience de dirigeante au sein de la société Max de Génie qu’elle a créé avec son conjoint et vendu en juin 2024, un des outils-clés pour une gestion efficace est la mise en place de rituels managériaux, des moments programmés et préparés de discussions. Ces moments d’échange sont d’autant plus importants quand l’équipe est répartie sur plusieurs sites, car ils renforcent le sentiment de reconnaissance et d’appartenance. Les échanges permettent de travailler ensemble à des solutions concrètes, au-delà de la simple identification des problèmes. Par exemple, une réunion collective peut être organisée pour identifier les difficultés puis les résoudre ensemble : chaque collaborateur est invité à proposer des pistes de solution, contribuant ainsi à une démarche collaborative. Afficher cette liste de problèmes sur un tableau, puis les cocher une fois résolus, est un moyen tangible de valoriser les efforts collectifs et d’illustrer que pour chaque problème, il existe une solution.
Le retour d’expériences d’adhérents a démontré qu’un aspect essentiel du management est la reconnaissance. Les collaborateurs, notamment ceux attachés à la qualité, sont sensibles aux critiques. Il est crucial de ne pas se concentrer uniquement sur les erreurs, mais de valoriser ce qui va bien, sans se limiter aux résultats : reconnaître les qualités humaines, la volonté de bien faire et l’engagement individuel permet de renforcer l’estime de soi et la motivation. Cette valorisation aide à tirer le meilleur de chaque collaborateur, en tenant compte des différences de niveau et des forces spécifiques de chacun.
Franck Berthouloux a partagé un outil utile pour gérer les conflits et clarifier les attentes. Il consiste à demander au managé de noter sur une échelle de 1 à 5 son niveau de satisfaction par rapport à ses besoins et ses attentes. Cette évaluation permet de prendre des mesures concrètes pour répondre aux attentes et suivre leur évolution dans le temps. Cette méthode peut également être utilisée par le manager pour évaluer la satisfaction envers le managé, instaurant un dialogue réciproque et constructif.
Bertrand Girardeau nous a raconté avoir instauré la règle suivante « personne de vient avec des problèmes mais chacun vient avec des solutions ». Dans une logique d’autonomie, il est aussi important d’inciter les collaborateurs à venir avec des pistes de solutions lorsqu’ils rencontrent un problème. Dans bien des cas, les employés connaissent la bonne réponse mais ont besoin de validation pour agir. Cette démarche renforce la prise d’initiative et l’autonomie, contribuant ainsi à la dynamique collaborative.
Franck Berthouloux a également partager que pour gérer les situations émotionnellement intenses, il peut être utile de laisser un salarié exprimer pleinement son ressenti, voire de lui proposer de prendre un peu de recul en marchant. La marche peut effectivement apaiser l’esprit, facilitant ainsi l’écoute et la réceptivité. En posant des questions ouvertes, le manager invite l’employé à réfléchir sur ses choix et à envisager d’autres façons de procéder. En adoptant une attitude empathique et en valorisant les efforts individuels, on crée un cadre où chacun peut progresser dans un climat de confiance et d’épanouissement.
Devenir Dirigeant, Créer de la Valeur et Être Capable de Transmettre
La place du dirigeant évolue au fil du développement de l’entreprise car on ne peut plus tout faire soi-même. Certaines personnes prennent du plaisir dans la gestion, d’autres dans la transmission de savoir-faire, d’autres encore dans la production. Et après tout, est-ce une fin en soit d’être dirigeant. On peut tout aussi bien être apporteur de capital et recruter un directeur général. Capitaliser sur ses forces et déléguer sur ses points faibles permet de bâtir une entreprise solide. De nombreux artisans, par exemple, restent perfectionnistes et ont du mal à lâcher prise. Or, déléguer avec confiance, tout en acceptant que les autres n’auront pas nécessairement les mêmes standards, est une étape essentielle pour évoluer. Comme le soulignait, Bertrand Girardeau, meunier depuis 39 ans, il est essentiel d’accepter que d’autres fassent à leur manière, libérant ainsi du temps pour se concentrer sur sa propre valeur ajoutée. Cette délégation n’est pas synonyme de perte de contrôle mais plutôt de la capacité à transmettre.
Choisir de bons partenaires et les Bons Indicateurs Financiers
Sur le plan financier, la conférence a abordé des indicateurs essentiels pour piloter son activité. Comme le mentionnait Anthony Perez, expert comptable et commissaire au compte au sein du cabinet TGS, au-delà du chiffre d’affaires et de la marge brute, un suivi régulier des principaux indicateurs, comme la capacité d’auto-financement ou l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE), permet au dirigeant d’anticiper et d’ajuster son activité tout au long de l’année. L’analogie a été faite avec le tableau de bord d’une voiture : inutile de suivre trop d’indicateurs, mais il est impératif que ceux choisis soient pertinents et faciles à interpréter pour une action rapide.
S’entourer de bons partenaires financiers est également crucial. Les structures bancaires traditionnelles jouent un rôle de premier plan en vous offrant des financements classiques et des conseils de gestion. Cependant, d’autres options peuvent être encore plus adaptées, notamment pour les entrepreneurs en phase de création ou de développement :
- Les réseaux d’accompagnement à la création (comme le Réseau Entreprendre) offrent des prêts d’honneur à taux zéro et sans garantie. Ces prêts sont souvent couplés à un accompagnement sur deux ans par un chef d’entreprise mentor, qui partage son expérience et aide à clarifier et renforcer le projet entrepreneurial. Ce type de réseau permet aussi d’établir des liens précieux avec des banquiers et d’autres professionnels.
- BPI France (Banque Publique d’Investissement), une banque d’État, intervient pour cautionner les prêts. Ce soutien rassure les autres organismes de financement, en plus d’offrir des solutions innovantes telles que des prêts différés jusqu’à deux ans. BPI France propose également des prêts spécifiques, comme le prêt tourisme, qui est accessible sous certaines conditions, notamment l’inclusion de produits de snacking.
L’ensemble de ces options financières, lorsqu’elles sont alignées avec des indicateurs de suivi pertinents et réguliers, permet de prendre des décisions informées et de soutenir un développement pérenne de votre entreprise.
Auditer son Entreprise dans son Intégralité : Finances, Ressources Humaines et Juridique
Avant de se lancer dans la reprise d’une entreprise, un audit exhaustif est indispensable pour comprendre les rouages de l’activité et minimiser les risques. Voici les aspects clés à examiner :
- Audit Financier de Reprise
L’audit financier vise à évaluer la rentabilité de l’entreprise en analysant les actifs, le bilan, les flux de trésorerie et la structure de coûts. Dans le cadre d’une reprise, il est crucial d’identifier les investissements à prévoir pour maintenir ou développer l’activité : renouvellement de matériel, état des locaux, et stocks. Une analyse minutieuse du passif financier et des dettes permet de mieux calibrer les besoins en financement et d’éviter les mauvaises surprises. - Audit des Ressources Humaines
Comprendre les rôles et les compétences de chaque salarié est essentiel pour anticiper leur réaction face au changement de direction. Lors d’une reprise, il est stratégique de se familiariser avec la dynamique humaine de l’entreprise, de comprendre l’organisation actuelle et de cerner la culture interne. Analyser les contrats de travail, les qualifications et les éventuels risques liés aux accidents de travail aide à éviter des tensions et à repérer les zones de vigilance, notamment en matière de sécurité. L’enquête sociale, qui consiste à écouter les salariés et à identifier leurs attentes, est un investissement précieux pour instaurer la confiance. - Audit Juridique et Conformité
Cet audit vise à s’assurer que l’entreprise est en règle avec les exigences juridiques et réglementaires. Lors d’une reprise, il est important de vérifier la conformité des contrats, la situation des licences et marques, ainsi que les engagements contractuels en cours. Cette étape permet de sécuriser les aspects juridiques de la transaction, d’anticiper les coûts potentiels de mise en conformité, et d’évaluer les impacts de l’historique légal de l’entreprise, notamment les indemnités de fin de carrière ou autres obligations sociales.
Mener ces audits permet de préparer la reprise de l’entreprise sur des bases solides, d’établir une stratégie adaptée et de s’assurer que l’investissement réalisé sera en phase avec les perspectives de développement.
Stratégie de Développement : Licence de Marque et Franchise
Lorsqu’on envisage de développer l’entreprise, le choix entre une licence de marque et une franchise est stratégique. Comme Franck Berthouloux l’a rappelé, chacun de ces modèles offre des avantages spécifiques selon le degré de contrôle souhaité sur l’expérience client et l’image de marque.
Dans le cadre d’une franchise, l’accent est mis sur la transmission d’un savoir-faire structuré et éprouvé, garantissant une homogénéité de l’expérience client. En utilisant l’analogie d’un carnet de recettes de grand-mère, la franchise inclut non seulement la recette du gâteau au chocolat, mais impose également des directives strictes sur le choix des ingrédients, comme un type de chocolat spécifique. Ce modèle offre une procédure détaillée pour chaque aspect du produit ou service, ce qui permet de mieux encadrer le franchisé et de maintenir une image de marque cohérente. La franchise est exigeante, mais elle protège la réputation de l’entreprise en garantissant une expérience client uniforme. D’un point de vue juridique, la franchise est aussi une exception réglementaire au niveau européen, car elle doit fournir un avantage concurrentiel au franchisé durant toute la durée du contrat. En contrepartie, la franchise impose une amélioration continue, demandant des efforts constants pour rester innovant et compétitif.
À l’inverse, la licence de marque offre une plus grande liberté aux partenaires. Si l’on reprend l’exemple de la recette, ce modèle délivre la méthode de base (le gâteau au chocolat), mais laisse plus de choix quant aux détails de réalisation, comme la qualité des ingrédients. Le licencié respecte les étapes principales sans forcément suivre chaque précision ou particularité. Bien que ce modèle soit moins contraignant, il comporte des risques en matière d’image de marque et d’homogénéité de l’expérience client, puisque le savoir-faire n’est pas toujours reproduit avec la même précision.
Avant de se lancer dans la duplication d’un concept, il est crucial de bien définir les fondamentaux qui assurent la rentabilité de l’entreprise. Cela implique d’identifier les éléments qui singularisent l’établissement et contribuent à sa réussite, tels que les « invariants » : des points de repère pour les équipes et pour les clients, ancrés dans la culture d’entreprise et qui font sa singularité. Ces fondamentaux doivent être challengés régulièrement pour favoriser l’innovation et préserver la pertinence de l’offre.
Enfin, un développement structuré passe par une préparation juridique rigoureuse. Il est essentiel de protéger la marque dès le début (par un dépôt à l’INPI, par exemple) et de réfléchir à la meilleure structuration juridique, que ce soit via une association, une holding financière, ou d’autres montages. Positionner la marque le plus haut possible dans la structure de l’entreprise permet d’optimiser la fiscalité, une organisation qui devient plus complexe à mettre en place au fur et à mesure du développement.
Conclusion
Cette conférence a mis en avant que le développement d’une entreprise passe avant tout par une réflexion sur soi, sur sa vision et sur son désir d’avancer en étant bien entouré. Le succès n’est pas une fin en soi, mais un chemin aligné avec sa nature et ses aspirations. C’est en trouvant un équilibre entre le plaisir, l’autonomie, et le cadre que le dirigeant peut pleinement s’épanouir dans son rôle.
Pour découvrir les échanges inspirants et les nombreux conseils partagés par les intervenants, vous pouvez accéder au replay de cette conférence en suivant le lien ci-dessous.